Un prof s'indigne :
Les évaluations CM2 sont passées, les évaluations CE1 se profilent, l’heure est aux grandes décisions !
En tant qu’enseignant-fonctionnaire-qui-fonctionne, je m’engage donc :
- à stresser mes élèves, en leur imposant des épreuves et un protocole de passation totalement inadaptés à leur âge,
- à respecter un codage binaire de correction qui transforme, de façon très arbitraire, chaque élève en une ligne de "zéros" et de "uns" (les autres codes ne sont pas pris en compte lors du relevé),
- à faire remonter les résultats obtenus, dont je sais qu’ils ne veulent rien dire, pour que les inspecteurs s’en saisissent et "pilotent" artificiellement les écoles et les personnels,
- à utiliser les résultats obtenus, dont je sais qu’ils ne veulent rien dire, pour trier mes élèves,
- à envoyer, sur cette base, des enfants à des stages et des heures de soutien qui ne leur apporteront aucune aide spécialisée efficace,
- à mentir aux parents en leur assurant que les résultats sont anonymés, alors qu’ils sont joints au dossier de leur enfant, et que ce dossier sera dès l’an prochain informatisé,
- à laisser croire que l’ensemble du dispositif est scientifique et rigoureux.
Pour améliorer les résultats de mes élèves, et gagner l’estime de mes cadres hiérarchiques, je pourrai toujours :
- éviter de prendre dans ma classe / mon école, des élèves qui risqueraient de trop faire baisser mon taux moyen de réussite ;
- consacrer la plus grande partie de l’année scolaire à dresser mes élèves à répondre à des questions sans intérêt, au détriment des autres apprentissages ;
- faire bachoter mes élèves sur la version 2011 dès qu’elle sera diffusée ;
- apporter, en cours d’épreuve, une aide plus ou moins ciblée et détaillée, pour éviter toute défaillance qui porterait préjudice au score global...
Cependant, si mon objectif est d’obtenir un classement de type "éducation prioritaire", et si j’espère le maintien des subventions spécifiques qui y sont associées, je veillerai à inverser tous ces choix, et j’appliquerai sans pitié les temps et consignes de passation de la façon la plus stricte.
Ainsi, la politique actuelle appliquée à l’école sera cautionnée.
Ainsi, les effets néfastes de la surcharge des classes, de la suppression des remplaçants, de la déscolarisation des 2 ans en zones défavorisées, de la suppression des RASED et de la destruction des petites structures seront masqués.
Ainsi, les fichiers informatiques des élèves pourront être alimentés.
Je recevrai, si le budget de l’éducation nationale le permet encore, une prime de 400€, en paiement de ma docilité.
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ou bien :
Tout cela m’écœure et me rend malade.
- Je n’en peux plus d’attendre une consigne syndicale unifiée qui n’arrivera pas.
- Je n’en peux plus d’essayer d’adapter à la marge les consignes de passation de ces évaluations, en espérant que les effets néfastes sur les élèves et sur la gestion de l’école resteront limités.
- Je n’en peux plus de voir à quel point ces évaluations influent de façon négative sur ma pédagogie et celles de mes collègues.
- Je n’en peux plus de voir l’impact qu’elles prennent malgré moi sur les élèves et leurs familles...
- Je n’en peux plus de recevoir cette prime de 400€, qui ne représente rien d’autre que le prix de ma soumission.
- Je n’en peux plus de m’astreindre à ne pas trop penser aux dérives que le pilotage par le chiffre ne va pas manquer de provoquer.
- Je n’en peux plus de m’astreindre à ne pas trop penser.
J’ai décidé de ne pas/de ne plus être un rouage de ce dispositif. Je boycotterai ces évaluations.
Je n’en ferai pas remonter les résultats.
Si je n’enseigne pas dans le niveau concerné, je me rendrai solidaire de ceux et celles qui les boycotteront. Je demanderai à être mis en cause à mon tour si l’un d’entre eux est convoqué ou sanctionné pour cette action.
Je peux aussi donner un sens collectif à cet engagement, et signer la charte de résistance pédagogique.
Je rejoindrai ainsi ceux qui construisent une action concrète et efficace pour alerter les parents et les enseignants sur les dangers de ces évaluations nationales et pour contrer ce dispositif.